La Mer des céréales, roulante

« Lors de ma première visite à Toury, je me suis trouvé en situation d’apprivoisement face à l’espace de ce champ fraichement déchaumé et à son environnement déroutant au premier abord : pylônes, éoliennes, usine, route avec ses bruits et sa noria de camions, absence de relief bien marqué.

Marqué par cette phrase du Manifeste du Land Art[1], « Le Land Art donne la beauté où elle est nécessaire », je suis animé du désir de faire du bien à ce petit morceau de planète et l’œuvre d’Emile Zola, La Terre, m’inspire :

Ainsi la Beauce, devant lui, déroula sa verdure, de novembre à juillet, depuis le moment où les pointes vertes se montrent, jusqu’à celui où les hautes tiges jaunissent. Sans sortir de sa maison, il la désirait sous ses yeux, [ … ] et il se plantait là, il voyait dix lieues de pays, la nappe immense, élargie, toute nue, sous la rondeur du ciel. Pas un arbre, rien que des poteaux télégraphiques […] D’abord, dans les grands carrés de terre brune, au ras du sol, il n’y eut qu’une ombre verdâtre, à peine sensible. Puis, ce vert tendre s’accentua, des pans de velours vert, d’un ton presque uniforme. Puis les brins montèrent et s’épaissirent, chaque plante prit sa nuance, il distingua de loin le vert jaune du blé, le vert bleu de l’avoine, le vert gris du seigle, des pièces à l’infini, étalées dans tous les sens, parmi les plaques rouges des trèfles incarnats. C’était l’époque où la Beauce est belle de sa jeunesse, ainsi vêtue de printemps, unie et fraîche à l’œil, en sa monotonie. Les tiges grandirent encore, et ce fut la mer, la mer des céréales, roulante, profonde, sans bornes.

Territoire de culture intensive, la Beauce a tout d’abord évoqué mes souvenirs d’école : la Beauce, grenier à blé de la France.

De ce sol est sorti de quoi nourrir une multitude.

Sur cette terre ont poussé des millions d’épis, de tiges, de tubercules sucriers.

L’homme a sans discontinué semé et récolté.

Ce cycle de la croissance, de la maturation, de la récolte est une spirale sans fin. Le végétal sort du sol, il y retournera en partie par le biais des amendements ou des déchets organiques.

« [….] la matière décomposée retournait à la matrice commune, la mort allait refaire de la vie. » Emile Zola

L’Echelle inconnue est là pour quantifier la peine, la sueur et le labeur des paysans qui se sont succédés.«

[1] Manifeste du Land Art de Margriet KEMPER et Helmer WIERINGA